Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années. La citation est fameuse, notre Cognac l’est tout autant, s’accordant quelques années de plus pour s’envelopper de la riche patine du temps.
Le cognac : le brandwijn avant le brandy
Que le territoire qui magnifia le cognac lui soit éponyme est en soit un symbole fort. Une marque indélébile couronnant plusieurs siècles de persévérance et d’ascension, de conquêtes économiques, technologiques et culturelles. Aujourd’hui toujours, le cognac s’impose et règne. Déjà le Moyen-Âge lui prédisait un avenir éclatant, auréolé d’une reconnaissance au-delà des frontières. Dès le XIVe siècle, voilà les Hollandais débarquant de leurs vaisseaux parés pour les voyages au long court, ils remontent le fleuve Charente et découvrent, ravis, les richesses de cette région. Le sel bien sûr les avait attiré jusqu’ici, mais maintenant qu’ils avancent plus avant dans les terres charentaises, c’est le papier, celui d’Angoulême en particulier, puis le vin qu’ils goûtent fort bien. Ce vin de Cognac – les crus de Champagne et des Borderies surtout – flatte les palais de ces étrangers trop heureux de rapporter ces marchandises au pays. Sans surprise, ces crus séduisent et la demande va croissante. Hélas, le vin cognaçais ne supporte pas aussi bien que les marins le chemin du retour et c’est du regret de ne pas retrouver sur les tables hollandaises les saveurs originelles de cet alcool qu’il fut entrepris de le distiller. Sur place pour commencer. Car la technologie est affaire sérieuse et la distillation est au XVIe siècle un processus que l’on améliore petit à petit avec, par exemple, l’introduction dans les alambics de dispositifs de refroidissement capables d’éviter les surchauffes et d’améliorer significativement la condensation, indispensable étape de la distillation. Car voici bien le principe qui donnera naissance au cognac : la distillation, ce procédé de séparation de substances dont les températures d’ébullition sont différentes. Lorsque notre vin cognaçais est chauffé dans un alambic en cuivre d’Amsterdam, les substances qui le composent se vaporisent successivement – elles passent de l’état liquide à l’état gazeux l’une après l’autre selon leur température d’ébullition. Puis la vapeur obtenue se liquéfie.
De cette distillation, les Hollandais obtiennent une eau-de-vie qui se conserve admirablement et qui ne laisse personne indifférent : le brandwijn, ce « vin brûlé », est en effet un véritable succès. Un succès tel qu’il faut pouvoir contenter tout le monde ! Qu’à cela ne tienne, la distillation se fera désormais à Cognac et dans toute sa région. Et les Hollandais de faire venir d’Amsterdam les fameux alambics de cuivre. S’il s’agit bien sûr d’un choix économique favorisant la métallurgie hollandaise et son commerce, il en va également des propriétés bienfaisantes du cuivre dans le processus de distillation. Capable d’absorber le soufre, le cuivre est aussi – et c’est important – un excellent conducteur de chaleur capable d’améliorer la qualité du produit fini. La distillation n’avait pas seulement l’avantage de diminuer les volumes d’alcool transportés par bateau. Elle allait favoriser par le transport même du brandwijn la naissance de ce qui sera bientôt nommé brandy.
Les prémices du cognac frémissent. Le temps va encore s’écouler doucement jusqu’au XVIIe siècle avant que le charme n’opère. Dès lors, l’histoire de Cognac et de son territoire ne serait plus jamais la même.
Double distillation et vieillissement : les bienfaits du temps
En Charente, la distillation s’apprivoise et les alambics installés par les Hollandais sont améliorés, puis modifiés. La maîtrise du processus s’affine et les bouilleurs de crus innovent. Le temps fait son office mais d’une manière bien singulière ; car c’est l’absence de temps, le retard des chargement d’alcools sur les bateaux hollandais qui dévoilera une des clefs du succès à venir. Stocké en fûts de chêne dans des caves, l’alcool s’imprègne patiemment des arômes du bois. Sur les quais, on court, on s’impatiente, on prévient que l’alcool finira bien par se gâter et puis, inquiet de l’avoir laissé trop longtemps patienter, on finit par le goûter. La surprise fut certainement de taille : l’alcool a gagné une profondeur, une palette admirable, souple et parfumée. Désormais, on ne le stockera plus autrement qu’en fût de chêne.
Parallèlement, le processus de distillation du vin cognaçais est doublé pour enfin adouber la naissance d’un alcool à la renommée inégalée : le cognac.
Tout s’accélère. Au XVIIIe siècle, maisons de négoce et maisons historiques ouvrent leurs portes les unes après les autres. Le cognac devient une signature de l’art de vivre à la française. Déjà on l’exporte en Europe, en Amérique et jusqu’en Asie. Napoléon Ier prive les Anglais de ce cognac qu’ils aiment tant, si bien que cette privation s’en ressent sur l’économie charentaise qui en pâtit autant que les ennemis. Peu à peu, on sélectionne les meilleurs cépages jusqu’à préférer (presque) entre tous l’ugni blanc italien, le Trebbiano, pour sa résistance et sa faible teneur alcoolique. Une fois vendangé, il faut laisser le raisin fermenter pour devenir un vin qui sera distillé. Cette « première chauffe » permet d’obtenir un brouillis auquel on coupe la tête (les premiers condensats) et la queue (les derniers condensats) pour ne conserver que le cœur. La seconde distillation ne s’intéresse qu’à lui : c’est enfin la « bonne chauffe » dont le résultat cristallin est fortement alcoolisé (de 68 à 72% volumique). Versé en fût de chêne, cette production bénéficiera alors d’un savoir-faire hérité de plusieurs siècles où le temps règne en maître. Conservé dans des chais dont le taux d’humidité varie légèrement d’une maison à l’autre, le cognac mature doucement, s’enveloppant patiemment d’arômes délicats. La patience est indispensable et ce qu’elle paie d’une part des anges est adouci d’une patine mœlleuse qui transforme l’alcool en un spiritueux noble et racé.
En puisant dans ces fûts anciens, le maître de chai élabore des assemblages aux notes élégantes et puissantes, signatures des cognacs exceptionnels. Anobli au fil des ans, le cognac Lordly incarne le raffinement d’un spiritueux sans égal, déclinant des nuances aromatiques imprégnées de l’empreinte du temps. Un cognac unique et indétrônable.
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